(M) JAMIE DORNAN

go right ahead


« pourquoi Romy d'ailleurs ? » Joshua face à moi, jouait avec une boule de cristal – représentant New York en neige – l'un des seuls souvenirs que j'avais emporté de mon ancienne vie. « A défaut d'avoir la vie que je souhaite, ça me réconforte d'avoir le prénom d'une presque princesse. » Sourire de circonstance, voilà deux ans que j'avais tout quitté avec mon ange gardien. Nous étions partis à Seattle, pour que je change du tout au tout. Avec le temps j'avais pris l'habitude de ma nouvelle vie, des conséquences de toute cette misérable affaire. Tout n'était pas encore avalé non, mais j'étais sur la bonne voie. A vrai dire, pour être tout à fait honnête, je commençai même à apprécier cette vie là. Qui a la chance de pouvoir totalement se réinventer ? Le gouvernement m'avait aussi débloqué un peu d'argent pour que je ne manque de rien jusqu'à ce que je trouve quoi faire. Mais, ça n'était pas d'avoir un peu plus d'argent sur mon compte en banque qui me permettait d'apprécier ma nouvelle vie : non, c'était plutôt de la partager avec Joshua. Il était si...Vous savez, il était à la fois protecteur et un parfait emmerdeur. Le genre de type qu'on a envie de taper très fort avec une poêle avant de s'excuser des millions de fois à coups de baisers et de câlins. Nous n'en étions pas là ; d'ailleurs je ne savais même pas ce qu'il ressentait. Ce type était indéchiffrable. J'avais bien compris qu'il n'avait jamais pensé s'attacher à quelqu'un pour de bon – après tout son métier ne lui permettait pas – mais, il semblait qu'on allait passer toute notre vie ensemble. Alors, pourquoi ne pas le faire bien ? « On se remet l'album de the hives Josh ? S'il te plaaaaait. » le suppliai-je, une petite moue d'enfant pour le convaincre. Normalement, ça marchait à chaque fois. On mettait la musique à fond et on sautait sur le canapé, on dansait de façon complètement bizarre dans chaque pièce de l'appartement, hurlant les paroles. Généralement, ça finissait par une bataille d'oreiller ou de ketchup. Voire les deux. Imaginez le ménage. Quoiqu'il en soit, Josh ne semblait pas vouloir céder cette fois-ci. « Tu sais qu'on a de la visite Romy. Mais je te jure qu'on se fera une soirée rien qu'à deux dès qu'elle sera partie.» Une caresse sur la joue, un baiser tendre contre le front, s'il continuait dans ce sens j'allais vraiment finir par m'imaginer de mauvaises scènes.

On ne l'a pas fait la soirée. Parce qu'il est parti. A peine cette vieille femme était arrivée dans l'appartement qu'elle avait tout chamboulé. Selon ce que j'avais entendu – oreille indiscrète bonjour – quelqu'un à leur bureau aurait trahi Joshua en racontant quelques conversations qu'ils avaient pu avoir au cours de ces deux années. Je ne savais pas de quoi il en retournait ; je ne le saurais sans doute jamais. Malheureusement pour moi, c'était assez sérieux pour qu'il soit remplacé par cette femme. Jane. Pas méchante au fond, bien qu'elle prenait le rock pour une apparition du diable. Plutôt bienveillante même, je n'avais pas pu m'empêcher de l'apprécier bien qu'elle ne changerait pas mes sentiments : elle n'était pas Joshua.

radioactive.

Sept ans se sont passés. De Seattle, Jane et moi sommes parties en Floride où j'ai appris le travail de pâtissière. Le diplôme en poche nous avons passé trois ans en Caroline du Sud avant de s'installer à Bartonville. Jane avait en effet vu sur internet qu'un pâtissier à la retraite cherchait à vendre son local. Trouvant le Texas assez reculé de New York, elle avait jugé l'occasion bonne pour moi de vivre à mon compte. De vivre vraiment. C'était il y a deux ans. Nous nous présentions à tous comme nièce et tante. Je dois vous dire que vivre au Texas n'était pas tout à fait mon plan de carrière. Je sais, rien n'avait jamais été comme je le souhaitais, mais de là à finir au Texas...la poisse ! Tout ce que je connaissais de cet état était relié de près ou de loin à Walker, aux quelques chansons de country qui pouvaient me trotter dans la tête et à...Walker. Bref, rien de génial. Je me voyais déjà vivre dans une cabane comme une pauvre urbaine, tombée dans la boue en plein milieu de la ville. Je m'attendais à des attardés, des dégénérés trop siffonnés par le pétrole depuis la naissance. Quelle ne fut pas ma surprise de me rendre compte que le Texas n'accueillait pas essentiellement des obsédés de fusils mais aussi des personnes relativement normales et chaleureuses. Évidemment, n'allez pas croire que c'est l'endroit idéal pour vivre et j'aurais sans doute préférer continuer ma vie à Hawaii mais enfin...c'est mieux que la prison non ? La vie reprenait son cours. Puis, il y a deux mois, Jane a fait une crise cardiaque. (J'ai toujours pensé que je mettais trop de crème dans ces gâteaux) Elle ne s'en est pas sortie. J'ai du à la suite enterrée ma fausse tante, pleurant sur mon ange gardien devenue amie, alors que les voisins et connaissances me soutenaient dans la perte de ma seule famille. J'avais mal de la perdre ; j'avais presque aussi mal de faire semblant. Je les aimais au fond ces fous du pétrole et amoureux des chevaux ; j'aurais voulu être honnête, comme ils le sont certainement avec moi. Après tout, j'étais seule maintenant face à eux et je ne me voyais pas cacher plus longtemps la vérité.

Deux mois plus tard, Mrs Carter était venue chercher une tarte comme chaque samedi de la semaine. Bloquée au niveau de la caisse, je la laissais me narrer sa semaine, pas vraiment intéressée mais tout aussi encline à lui faire plaisir.  Je pensais que le programme m'avait laissé tomber. Qu'on avait le droit qu'à une vie comme dans un jeu vidéo et que, Jane partie, je devais faire mon petit bonhomme de chemin. Et puis, au même moment où j'aidais Mrs Carter à ranger sa tarte, je relevai la tête au moment où la porte s'ouvrit. La bouche ouverte, surprise, je n'osais dire quoi que ça soit. Un fantôme venait d'envahir ma boutique. Spontanée, et comme j'avais toujours agi face à lui, je lui sautai dans les bras. Au cours de ces sept ans passés, jamais je n'aurais cru le revoir, et voilà que Joshua était revenu. « Mrs Carter, je vous présente Joshua mon... » mais il me coupa la parole pour mon plus grand malheur. « Son frère, enchanté madame. » La mine déconfite, je croyais à une mauvaise blague ! Mon frère ! Mais quelle horreur ! Voila que mes pensées impures d'il y a presque dix ans refont surface et deviennent presque incestueuses ! Quoi ! Il se fout de moi ce con. Putain, je le déteste. « Enfin, mon demi frère. » Fallait pas déconner.